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La dynamique du Moyen-Orient

31 octobre 2014

Le monde musulman, une civilisation à part?

Depuis de sa parution en 1996, l'ouvrage de Samuel Huntington, le Choc des Civilisations reste très controversé dans ses conclusions. S. Huntington y dessine des aires de civilisation fondamentalement différentes et en conflit virtuel les unes avec les autres. Le monde musulman, qui court depuis la Mauritanie jusqu'en Indonésie, en passant par le Moyen-Orient, se voit ainsi désigné comme potentiel adversaire du monde occidental, qui regroupe l'Amérique du nord, l'Europe de l'ouest, l'Australie et la Nouvelle-Zélande. 

Cette vision par civilisation culturelle est-elle crédible? 

Pas vraiment a priori. Cette angle d'analyse par pays veut présenter une vision uniforme des cultures alors que les pays sont complexes et que les individus, familles et ethnies ont tous des positionnement différents. Dans chaque pays musulman, une partie de la population a un mode de vie occidentalisé et est laïque; d'autres familles sont conservatrices et traditionnelles, tandis que de nombreux individus sont séduits par le discours islamiste. On a pu le voir durant les élections tunisiennes, où deux grandes forces politiques s'affrontaient: les laïcs de Niida Tounes, et les islamistes d'Ennahda. La victoire a échue à la première.

En somme, il existe autant de sensibilités culturelles que d'individus. 

Pourtant, il est indéniable que le monde musulman connaît en ce moment un mouvement de fondamentalisme religieux qui lui est propre. Certes, à travers l'Histoire, toutes les religions ont connu des mouvements extrêmistes à l'intolérance meurtrière. Mais à l'heure actuelle, l'Islam semble bien être la principale religion à être atteinte de cette maladie extrêmiste qui provoque attentats et déchirements de populations.

La religion chrétienne, qui n'a pas toujours été un modèle de sagesse, ne connaît actuellement pas du tout la même dynamique. Au delà de groupuscules conservateurs, il n'existe pas de réseau terroriste internationalisé qui commet meurtres et attentats au nom du christianisme.

Même sur le plan de la vie politique, on voit que la place de la religion est très différente entre le monde occidental et le monde musulman. L'Occident est actuellement marqué par un degré avancé de sécularisation. La religion est cantonnée à la sphère privée et devient une question de croyance individuelle. Voyez l'Union Européenne: les désaccords politiques entre Etats-membres y sont nombreux, mais évoque-t-on les différences de religion au sein de l'Union? Se souvient-on que la Grèce est orthodoxe? Y a-t-il des extrêmistes protestants de Scandinavie pour pousser au clash contre les pays catholiques du Sud? 

Non. Même si les racines religieuses peuvent expliquer certaines différences culturelles, les enjeux dans l'Union Européenne portent sur l'économie et les systèmes de sécurité sociale. Les Etats sont tous si sécularisés qu'ils en oublient avoir des racines religieuses différentes. 

Dans le monde musulman, au contraire la religion semble être dans chaque pays une question politique et sociétale majeure. Les groupes terroristes restent marginaux; par contre, les mouvements politiques islamistes sont eux légion. Le Régime iranien des Ayatollahs; l'AKP, parti islamiste au pouvoir en Turquie; les Frères musulmans, qui en 2013 tenaient le pouvoir égyptien...Tous les pays musulmans sont traversés d'un débat concernant l'islamisation des lois et règles de la vie en société. Tandis qu'en Occident la religion fuit la sphère publique pour se cantonner à la croyance individuelle, en Orient elle envahit l'espace public et questionne les pratiques des citoyens de ces pays. 

Cette observation semble valider les thèses d'Huntington. Oui, il y a bien une sorte d'opposition virtuelle dans les dynamiques culturelles en Orient et en Occident. 

Pourtant, on observe, en termes géopolitiques, que la communauté des pays musulmans n'existe pas. Tandis que les pays occidentaux constituent une communauté diplomatique assez cohérente et homogène dans leurs attitudes, les pays musulmans n'ont eux aucune diplomatie partagée. 

Au contraire, ils s'opposent en permanence entre eux. Turquie et Arabie Saoudite se disputent sur le soutien du premier aux Frères musulmans, mouvement islamiste honni des saoudiens qui pratiquent pourtant le wahabisme, version rigoriste de l'Islam. La Turquie, d'ailleurs, est soupçonnée de complaisance envers l'Etat islamique (alias Daech, son acronyme arabe) tandis que l'Iran, pourtant République Islamique, perçoit Daech comme un ennemi viscéral. Le Yémen et l'Irak deviennent des terrains d'affrontement entre les communautés chiites et sunnites, entre lesquelles l'opposition confessionnelle est exacerbée. Quant à eux, les Kurdes syriens et irakiens, de confession sunnite en majorité, adhèrent avant tout à des partis politiques laïcs pro-démocratie. 

Ainsi, au regard de la réalité géopolitique, des différences de cultures et des différences d'individus, l'idée d'une communauté musulmane internationale est un mythe. Mais ce sont les mythes qui esquissent les réalités politiques; les extrêmistes religieux l'ont bien compris et l'exploitent habilement à leurs fins.

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13 août 2014

Introduction - la situation au moyen-orient

Ce blog, au coeur de l'actualité, ne prétend pas donner une vision scientifique et incontestable des événements qui secouent le moyen-orient. Mais il a vocation à proposer des analyses, au-delà des faits, sur les dynamiques qui traversent les pays du moyen-orient. Pourquoi y a-t-il de tels troubles dans cette région? Quel est l'avenir du Kurdistan? Le Hamas est-il un problème pour les palestiniens? 

Ce blog se veut aussi un lieu d'échange entre usagers du net intéressés par la situation du Moyen-Orient, véritable Game of Thrones du début du XXIe siècle.

 

L'Orient peut sembler en bien piètre santé à l'heure actuelle. Du maghreb jusqu'à l'Iran, peu de pays semblent à l'abri du déchirement et de la guerre.

En Tunisie, une démocratie fragile tente de se mettre en place, par le biais d' "islamistes modérés" du parti Ennahda. Mais ce développement n'est pas de tout repos: outre l'assassinat de deux députés de gauche depuis 2011, une poignée de djihadistes tentent de semer le chaos au sud de la Tunisie.

Une situation idyllique en comparaison de la Libye. En 2011, l'intervention aérienne de la France et du Royaume-Uni appuyée par les Etats-Unis avait permis le renversement, par des groupes armés rebelles, du dictateur libyen Mouammar Kadhafi. L'ennui, c'est que depuis ce renversement, l'Etat libyen n'est pas parvenu à reprendre le monopole de la violence physique légitime. De facto, la capitale Tripoli ainsi que la ville de Benghazi sont déchirées par des luttes entre diverses milices armées, dont des islamistes. Le parlement libyen récemment élu a si peu de contrôle qu'il a voté une résolution approuvant une intervention armée étrangère pour ramener la sécurité dans le pays.

Le chaos, voilà un mal que l'Egypte peut se targuer d'éviter. Après les manifestations monstre de 2013 contre l'ex-président islamiste, Mohammed Morsi, pourtant le premier démocratiquement élu, l'armée a décidé de reprendre la situation en main. Après avoir déposé le président Morsi lors d'un putsch, l'armée mit en oeuvre une répression féroce contre les manifestants favorables aux frères musulmans, dont on estime le nombre de victimes à 1400. Puis les Frères musulmans furent officiellement classés comme organisation terroriste tandis que le maréchal Al-Sissi remportait l'élection de 2014 avec plus de 90% des voix, après avoir annihilé toute opposition libérale ou islamiste.

Son partenaire Israël a lui été de nouveau confronté aux tirs de roquettes du Hamas, parti et milice d'obédience islamiste régissant la bande de Gaza. Il y a un mois, l'Etat hébreu déclenchait une violente opération militaire contre la bande de Gaza dans le but d'annihiler la capacité de nuisance du Hamas. Peine perdue, puisque la majorité des 1400 morts palestiniens sont des civils et que le Hamas contrôle toujours sa population. Des négociations se déroulent actuellement au Caire, sous médiation égyptienne, pour que les uns obtiennent la levée du blocus qui asphyxie Gaza, et que les autres obtiennent la démilitarisation de la bande de Gaza. Demandes incompatibles?

Le Liban, Etat multiconfessionnel où tentent de cohabiter chrétiens, sunnites et chiites et autres minorités, espère passer entre les gouttes des conflits qui agitent la région. Mais il est pourtant entraîné malgré lui dans cette guerre par le Hezbollah, parti chiite dont la branche armée combat en Syrie en soutien du dictateur Bachar El-Assad. L'armée libanaise a du combattre les djihadistes dans la ville d'Ersal, près de la frontière. Au moins bénéficie-t-elle du soutien unanime de la population libanaise.

Les dégâts de la guerre en Palestine en 2014 ne sont pourtant rien en comparaison de la Syrie, où une guerre civile, qui fait rage depuis 3 ans, a déjà tué 170 000 personnes. Le dictateur syrien, Bachar El-Assad, s'accroche au pouvoir et parvient à reconquérir une partie du pays, aidé notamment par le Hezbollah, milice chiite du Liban. Mais une autre partie de la Syrie lui échappe totalement. Mais le rebelles se détestent autant entre eux qu'ils ne détestent El-Assad. Tandis que les rebelles modérés de l'Armée Syrienne Libre perdent du terrain, les djihadistes de l'Etat Islamique et du front Al-Nosra (branche syrienne d'Al-Qaida) occupent de larges pans de territoire à l'est. Ils se heurtent toutefois au nord aux combattants kurdes dont la région n'est de facto plus sous contrôle d'El-Assad.

La frontière entre Syrie et Irak n'existe elle plus du tout sur le terrain. L'Etat Islamique (EI), une rébellion de djihadistes sunnites a conquis lors d'une offensive éclair de larges pans de territoire à l'est de la Syrie et à l'Ouest de l'Irak. Le gouvernement irakien ne contrôle guère plus que le territoire chiite. L'ex Premier ministre, Nouri Al-Maliki, est mis en cause pour avoir mené une politique de marginalisation de la minorité sunnite d'Irak, ce qui a permis à l'Etat Islamique de s'installer dans de nombreuses villes avec le consentement des sunnites. Le prix à payer pour cette erreur est lourd, car l'EI applique une loi islamique dans sa version la plus extrémiste, que même Al-Qaida juge excessive. Outre qu'il entend rendre les femmes invisibles, il persécute les minorités; les chrétiens et les yazidis (minorité kurdophone à la religion préislamique) fuient en masse devant l'EI par peur des massacres et exactions commises régulièrement par les djihadistes. 

Mais de ce chaos pourrait surgir un nouvel Etat stable: le Kurdistan irakien, au nord de l'Irak, qui assume désormais son autonomie politique et militaire. Ses combattants, les peshmergas luttent difficilement contre l'Etat Islamique mais ont besoin de l'aide extérieure. En attendant, ils accueillent les effectifs massifs de réfugiés chrétiens, yazidis, turcmènes...dont ils sont les derniers à assurer la protection.

D'autres Etats ne sont pas directement inquiétés. Mais inquiets, ils le sont: Jordanie, Arabie Saoudite, Iran...Ils sont les ennemis des djihadistes, qui rêvent d'embraser à leur tour ces régions dont les gouvernements soutiennent leurs ennemis. 

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